L’automne

Il est généralement triste le temps de l’automne sous nos latitudes. Les feuilles ocre des arbres tombent, les oiseaux qui n’ont pas migré deviennent silencieux, c’est la rentrée à la fois scolaire et littéraire. C’est aussi le temps de ressortir du placard les pulls à manches longues et autres manteaux chauds. Rien de très joyeux n’est — ce pas ? Pourtant, approchez-vous sur la pointe des pieds de ce banc dans la campagne auvergnate, près des volcans centenaires. Asseyez vous bien confortablement sur celui — ci et fermez les yeux un instant.

Vous entendez le bruissement du vent dans les arbres mis à nu, l’odeur si particulière des feuilles en décomposition et de la terre mouillée ? Écoutez la musique si caractéristique de la goutte de pluie tombant dans la flaque à vos pieds. Au loin, l’orage gronde, les éclairs zèbrent le ciel, pourtant vous restez assis. Vous vous emmitouflez plus dans votre manteau, vous remettez bien en place votre écharpe autour de votre cou. En faisant cela, vos mains frôlent un journal oublié. Il est détrempé, leurs feuilles sont collées l’une à l’autre, leurs caractères s’entremêlent de la même manière que les racines de l’arbre à côté de vous.

Des promeneurs s’approchent. Leurs pas sont assourdis par le bruit du crachin et du tapis de feuilles. Ils parlent à voix basse comme si cette clairière était sacrée. Peut — être qu’ils ne désirent pas déranger par leurs paroles, troubler le sommeil de l’écureuil qui dort dans l’arbre voisin ou les âmes des druides des temps anciens. Ils vous dépassent pour rejoindre au plus vite leur véhicule garé sur le parking à l’orée du bois.

Vous êtes à nouveau seul sur ce banc.

Malgré le crachin qui transperce l’épaisseur de votre manteau, vous restez immobile. Votre cerveau est vide de toutes pensées parasites, vos battements de cœur se sont mis au diapason des gouttes de pluie qui tombent sur le banc.

Un lièvre interrompt sa course vers son terrier et vous observe, constatant que vous n’êtes pas un prédateur, il reprend son chemin plus tranquillement.

De nouveaux effluves titillent vos narines délicates. Est — ce l’odeur si typique des champignons ou de la noisette ? Au fur et à mesure que les minutes se passent, vous ne faites plus partie du décor, vous êtes le décor.